Petite histoire : Rawhide and Me
- Lydie
- 4 juil. 2020
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 25 juil. 2020
Je ne vais pas vous raconter ma vie (on pensera au bouquin un peu plus tard), mais plutôt le cheminement qui m'a amenée au travail du rawhide.
Je suis cavalière et enseignante d'équitation western, et mon coeur bat pour la branche Californienne : je pense que vous l'aurez compris ! Vous ne me verrez pas sur les terrains de concours, mais cherchez des chapeaux plats, des vaches et des lassos, et je ne serais probablement pas loin.
J'ai la chance de pouvoir voyager et travailler depuis 20 ans, à intervalles plus ou moins réguliers, sur les ranchs américains et canadiens. J'y ai beaucoup appris, je continue toujours d'y apprendre, j'ai eu le plaisir de rencontrer beaucoup de personnes extraordinaires. J'ai beaucoup de chance.
Ma première rencontre avec un bosal fut au Colorado, il y a 18 ans de cela, chez Mindy Bower. J'étais en pleine métamorphose de mon équitation (et bien plus), et avec du recul, pas vraiment bonne cavalière. Quand j'ai mentionné avoir des problèmes avec les changements de pieds, Mindy m'a confié une jument, débourrée par Ray Hunt en personne, et qui reste à ce jour MA référence de ce que peut être le Feeling chez un cheval. Pas la peine de vous dire que j'étais carrément aux fraises. J'ai eu du mal à galoper convenablement, alors changer de pieds ... J'en tirais automatiquement la conclusion "Bosal = Feeling. Je n'ai absolument pas le feeling nécessaire, va bosser, on y reviendra plus tard.".
Fast Forward 4-5 ans. Entre temps, je suis revenue au pays, j'ai travaillé mon équitation, amélioré ma technique, passé mon monitorat ... et toujours pas retouché un bosal depuis ! Mais voilà que descend des montagnes un petit cheval bai à quatre chaussettes, un poil sauvage et tout prêt à expérimenter avec moi. Je le débourre au licol, découvre une sensibilité extraordinaire et une franche volonté à communiquer. Nous sommes là pour apprendre ensemble, on a tout le temps du monde, alors je m'essaye à la tradition Californienne et le passe directement au bosal. Qui ne risque rien, ne fait rien !
Bien sur, je n'ai pas un rond et comme beaucoup, j'achète un ensemble de basse qualité à 100 balles, parce qu'un bosal, c'est un bosal. Les présentations se passent bien, mais malheureusement pas pour longtemps : au bout de quelques semaines, le cheval commence à montrer des signes de défense, on ne se parle plus, nous sommes en conflit ! Je cogite, analyse les séances précédentes, le comportement de mon cheval, lis avidement tout ce que je peux sur le bosal, échange même quelques messages avec Martin Black ... Ok, autant faire les choses bien, j'emprunte de l'argent pour acheter un bosal digne de ce nom. Je retrouve automatiquement mon cheval sensible, volontaire et expressif.

Ma fascination pour cet outil explose. Oui, j'avais lu "la qualité de la fabrication et du rawhide est primordiale" "les âmes doivent être en rawhide impérativement, rien d'autre ne fera l'affaire" blablabla. Bla. BLA. Mais alors ... ce n'est pas QUE du snobisme à la Californienne (avouons qu'il faut quand même vendre un rein pour s'équiper convenablement dans la tradition) ? Quelle diablerie se trame dans cette petite goutte d'eau en peau de vache ?
Les années passent encore, je suis toujours autant fascinée par la chose. Je débarque à Adel, Oregon, et je me retrouve à pousser des vaches aux côtés de Jason Jeagger, élève du célèbre Rawhide Braider Bill Black (qui habite le village d'à côté). Il me voit curieuse, tournant autour de ses peaux en train de sécher sur les cadres, on parle, et le savoir étant là bas quelque chose qui se partage et ne se garde pas jalousement, je me retrouve rapidement dans son atelier, avide de connaissances. Je travaille beaucoup, lui aussi, et les occasions de se retrouver ne sont pas si fréquentes que ca, mais tout de même. Le savoir se partage, certes, mais se paye quand même, et la monnaie d'échange traditionnelle est l'huile de coude : je me retrouve régulièrement à cheval sur une peau de vache à gratter les poils par 40°C à l'ombre. Mais mon séjour touche déjà à sa fin et je dois regagner ma Normandie. Jason se confond en excuses de ne pas avoir eu le temps de me montrer plus de son métier. Mais même si je n'ai pas eu l'occasion de tresser, j'ai maintenant les bases de la préparation des peaux et fabrication des âmes : c'est déjà énorme.
Jason m'invite à revenir dés que possible pour continuer mon apprentissage. Malheureusement, cela n'arrive pas avant plusieurs années, et quand je reviens taper à sa porte, le malheureux sort d'un accident qui lui a ruiné les bras et donc son métier. Il a maintenant quelques vaches à son nom et un job en ville, mais plus (ou peu) de rawhide en vue. Il me pousse à aller frapper à la porte de Bill Black. Ca tombe bien, il se trouve que j'habite à côté de chez lui le temps de mon séjour !
Timidement je me présente et demande la permission d'apprendre à ses côtés. Il ne dit pas non, mais je comprend qu'il sort d'une bien mauvaise expérience avec un étudiant, et est simplement très occupé (plusieurs Shows à fournir en récompenses, expositions, etc...). Un peu démoralisée, je patiente mais ne veux pas me retrouver à court de temps comme la dernière fois. C'est alors que je me retrouve à travailler aux côtés de Larry Morgan, un autre élève de Bill Black. Au début, il n'est pas très chaud : il ne se considère pas pédagogue pour deux sous et a peur de ne pas savoir comment m'apprendre. Je lui promets d'être une étudiante modèle et une semaine plus tard, je me retrouve à tresser mon premier bosal sur son canapé, tout en regardant Master Chef à la TV et naviguant au milieu des jouets de ses filles.

Je continue cependant à aller taper à la porte de Bill Black - après tout, c'est un voisin ! A force de patience polie et réservée, j'arrive à me faire une petite place sur un tabouret dans le coin de l'atelier, et passe des heures à le regarder travailler ... souvent sans trop comprendre ce qu'il fait. La fin de mon séjour approche. Je termine mon premier Hackamore avec Larry. Doucement, Bill commence à me faire confiance et à me donner diverses tâches. Sa femme, Teresa, commence elle aussi à noter mon intérêt et ma sincérité, et se révèle être excellente pédagogue. Quand je ne travaille pas, je me retrouve sur mon tabouret à me gratter la tête devant des noeuds.
Mais un avion m'attend et je n'aurais pas passé beaucoup de temps sous la houlette de Bill et Teresa. Mais entre la générosité de Larry, qui m'a fourni tout le matériel et son exemple pour fabriquer ce premier hackamore, et les conseils de la famille Black, je rentre en Normandie avec une base solide.
Il me reste beaucoup, énormément à apprendre, et les premiers temps seule en Normandie sont extrêmement frustrants. Bien des fois, des dizaines d'heures de travail et de cogitation se sont retrouvées sous l'impitoyable couteau : trop d'erreurs, c'est la poubelle. Les conditions météorologiques sont forcément différentes en Normandie, il me faut réapprendre à gérer l'humidité de la peau en conséquence. Juchée sur ma petite expérience, je tente de progresser doucement, mais surement !
Bref, me voilà au seuil d'une nouvelle et longue aventure. Ce n'est que le premier pas.
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